Origine de la fausse information
L’allégation selon laquelle la République du Congo serait « l’un des rares États d’Afrique centrale où les étrangers peuvent se procurer sans effort des passeports diplomatiques, des cartes nationales d’identité, voire la citoyenneté complète » a circulé sur les réseaux sociaux en juin 2025.
Les publications titrées sans nuance « Un marché à ciel ouvert pour les étrangers », avance que des ressortissants – notamment rwandais – achèteraient leur entrée dans les cercles souverains congolais et que ce phénomène s’accélérerait sans contrôle.
Or, ces publications ne fournissent aucun document probant, ne cite aucune source primaire et omettent d’exposer l’architecture juridique régissant l’attribution des passeports diplomatiques congolais. Dans une méthodologie diplomatique rigoureuse, ces lacunes appellent une prudence accrue.
Contexte : un cadre de contrôle toujours plus strict
La référence normative demeure le cadre biométrique instauré par le décret n° 2008-126 du 23 juin 2008, lequel fixe des critères d’identification stricts et dresse une liste exhaustive de bénéficiaires ne comprenant pas de particuliers étrangers. Loin d’un quelconque relâchement, Brazzaville a, depuis, resserré les contrôles. Un décret annoncé le 20 février et publié le 13 août 2024 a réduit le cercle des ayants droit à la suite d’un audit ministériel sur les abus passés ; anciens ministres, parlementaires et hauts fonctionnaires ont été exclus de l’éligibilité automatique, mesure difficilement compatible avec l’image d’un « marché » prospère.
Sur le plan international, l’ambassade de France à Brazzaville a diffusé en mars 2023 un communiqué après l’interception, à Roissy Charles-de-Gaulle, de faux passeports diplomatiques congolais. Le document précisait que ces titres étaient contrefaits et saluait la coopération des autorités congolaises dans l’enquête. La mise à jour de l’avis aux voyageurs en avril 2025 rappelle que seuls les détenteurs de passeports diplomatiques authentifiés sont exemptés de visa, exemption vérifiée systématiquement au guichet consulaire.
Ce que l’article de CongoBrazza passe sous silence
Ces éléments convergents décrédibilisent les fake news lancées sur les réseaux sociaux. Les publications n’abordent ni les dispositifs biométriques qui rendent improbable une fraude massive, ni le décret de 2024 qui restreint les bénéficiaires. Les utilisateurs se contentent d’assertions telles que : « À ce rythme, rien n’empêche un étranger de devenir ministre demain. » Or, une telle spéculation ne constitue pas une preuve ; elle appelle une corroboration documentaire que l’article ne fournit pas.
Il serait néanmoins illusoire d’ignorer les défis que posent la falsification documentaire et la protection des données. Des comptes automatisés diffusent à l’occasion, sur les réseaux sociaux, des passeports frauduleux – parfois présentés comme congolais, parfois empruntés à des pays voisins.
Le risque de recours aux outils d’IA pour produire, à faible coût, des documents officiels convaincants est bien réel et appelle à un renforcement de la coopération interétatique. Toutefois, cela ne constitue en aucun cas une preuve que Brazzaville vendrait, en 2025, des passeports diplomatiques authentiques à des particuliers étrangers.
Le meilleur indicateur empirique demeure l’allocation de ressources publiques. En avril 2025, le ministère congolais des Affaires étrangères a signé un mémorandum d’entente avec la Serbie instaurant, entre autres, une exemption réciproque de visas pour les personnels accrédités : un dispositif qui suppose un contrôle rigoureux des identités, non leur marchandisation.
Les risques de protection des données sont réels, pas la foire annoncée
Protéger les données personnelles et garantir la transparence administrative est une obligation permanente. Les autorités congolaises doivent produire des audits publics rassurants, tandis que la société civile doit garder la latitude d’enquêter sur d’éventuelles dérives. Mais confondre manquements historiques et conspiration actuelle, sans preuve tangible, brouille la frontière entre journalisme d’investigation et fiction spéculative.
Les fausses publications illustrent la rapidité avec laquelle des accusations non étayées peuvent se frayer un chemin dans l’économie de l’attention. L’analyse des textes réglementaires, des communiqués diplomatiques et des récentes mesures antifraude suggère qu’en 2025, la République du Congo tend à restreindre, non à libéraliser, l’accès aux documents diplomatiques. Les efforts de vigilance doivent se poursuivre, notamment face aux contrefaçons dopées à l’IA. Mais la diplomatie responsable exige que toute dénonciation de corruption systémique repose sur des preuves vérifiables. Faute d’éléments nouveaux, l’idée d’un « marché à ciel ouvert » des passeports diplomatiques congolais demeure, pour l’heure, une fiction.