Non, l’OMS ne quitte pas Brazzaville : quand un murmure sur X supplante les faits

En juin 2025, de fausses allégations selon lesquelles l’Organisation mondiale de la Santé démantelait son Bureau régional africain à Brazzaville ont inondé les réseaux sociaux congolais. L’examen des archives officielles, des déclarations ministérielles et des documents internes de l’OMS révèle que la rumeur ne repose sur aucun fondement : il s’agit en réalité d’une réorganisation technique de routine. Les tensions pré-électorales, la désinformation numérique et une inquiétude légitime quant à la transparence institutionnelle ont attisé l’emballement.

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📱 D’un post Facebook à un emballement politique

Lorsqu’une publication Facebook a affirmé que l’OMS « démantelait discrètement » son siège de Brazzaville, des militants de l’opposition et des influenceurs ont amplifié l’information en quelques heures. La plateforme Fact-Check Congo a pourtant classé l’affirmation comme « FAUX » le 19 juin 2025 (Fact-Check Congo, 19 juin 2025). Néanmoins, la narration s’est maintenue, alimentée par des clichés montrant prétendument des caisses de déménagement devant le complexe de l’OMS et par des canaux Telegram partisans avides d’un symbole de désengagement international.

🎙️ Rappel à l’ordre depuis la tribune gouvernementale

La rumeur a atteint la tribune gouvernementale le 5 juin, quand le ministre de la Communication Thierry Lézin Moungalla a rappelé que l’accord de siège de 1952 ne peut être dénoncé que par un acte diplomatique formel ; « et aucune notification de la sorte n’a été reçue », a-t-il martelé (entretien AllAfrica, 5 juin 2025). Son intervention a replacé l’affaire dans le cadre du droit des traités : en l’absence de note verbale, le siège demeure là où il se trouve depuis sept décennies.

🧭 Vérification à la source : Genève confirme

Trois semaines plus tard, le ministre des Affaires étrangères Jean-Claude Gakosso et le ministre de la Santé Jean Rosaire Ibara se sont rendus à Genève pour consulter directement la direction de l’OMS. Selon Congo Times, le directeur général Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus a « réaffirmé que Brazzaville demeure le site pérenne du Bureau régional » et remercié les autorités congolaises d’avoir octroyé un terrain supplémentaire pour agrandir le campus (Congo Times, 18 juin 2025). Sur X, le Dr Tedros a répété le message : « Reconnaissant envers la République du Congo pour son soutien indéfectible à l’OMS. Notre équipe régionale est — et reste — à Brazzaville » (Tedros, 17 juin 2025).

🔍 Comment la méprise est-elle née ?

Tout s’explique par une réforme managériale de longue haleine, l’« Agenda de transformation 2015-2024 », qui déconcentre des unités spécialisées vers Nairobi, Dakar et Pretoria. Un rapport d’héritage récent souligne que l’opération « clarifie les rôles aux niveaux régional et national et réorganise les clusters techniques pour plus d’agilité » (WHO-AFRO, Legacy Book, février 2025). Des transferts de personnel et des travaux de rénovation visibles mais non expliqués ont été interprétés hâtivement comme les prémices d’un départ. Or, la réforme ne modifie pas le siège légal : elle redistribue les flux de travail, non la souveraineté.

🧑‍⚖️ Gouvernance sanitaire et optique électorale

Le calendrier est crucial. Le Congo entre dans une séquence pré-électorale où chaque geste d’un partenaire international revêt une portée symbolique démesurée. Le spectre d’une « abandon » de Brazzaville par l’OMS s’inscrivait parfaitement dans les discours d’isolement diplomatique brandis par l’opposition, tandis que les soutiens gouvernementaux y voyaient une manœuvre de sabotage. Dans ce contexte polarisé, une note de service administrative s’est muée en drame géopolitique.

🤝 Signaux de confiance multilatérale

Les signaux multilatéraux démentent, pourtant, l’idée d’un repli. La 78ᵉ Assemblée mondiale de la Santé, fin mai, a voté une hausse du budget de l’OMS et réaffirmé l’engagement des États à une « Organisation forte et résiliente » (communiqué OMS, 30 mai 2025). Démanteler un siège régional — en particulier dans une zone aussi stratégique que l’Afrique centrale — irait à l’encontre de cette dynamique politique et financière.

🕵️‍♂️ Leçons d’hygiène informationnelle

La rumeur brazzavilloise démontre comment l’opacité institutionnelle et les restructurations rapides peuvent engendrer un terreau fertile à la désinformation. Elle rappelle surtout que le dialogue diplomatique direct, corroboré par des sources primaires, reste l’antidote indispensable face à l’alchimie volatile des réseaux sociaux. Pour les missions étrangères soucieuses de la stabilité centrafricaine, l’épisode confirme que l’analyse méticuleuse des traités et l’interlocution immédiate demeurent incontournables.

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